[Arrivée] Opération Solstice

Une à unes, les alarmes de proximité qui détectaient la proximité du trou noir et des menaces gravitationnelles, se désactivèrent alors que l'équipage vérifiait que tout les sous-systèmes du Rhine répondait correctement. Traverser une singularité gravitationnelle, même derrière les boucliers d'un phaseur quantique, était quelque chose de particulièrement ... Dangereux ... Et les vérifications additionnelles étaient donc plus que nécessaires et recommandé. Dans les entrailles de l'UEFS Rhine, le Phaseur Quantique tournait à plein régime, ses générateurs d'Ezo produisant une quantité incroyable de matière négative pour générer la bulle de phase autour de la flotte. Par l'intermédiaire des baies de commandement, debout derrière son timonier, Ori'n pouvait voir très directement les résultats que produisait le phaseur quantique. Ils étaient encore au-delà de l'horizon des évènements, orbitant tranquillement autour du centre de la singularité, comme s'ils voyageaient en espace normal. Une bulle de "normalité" avait été générée autour de la flotte. Ici, la lumière circulait normalement, la causalité était respectée, et tout le monde pouvait exister, car les lois de la physique avaient toujours cours. Mais au delà de la bulle de phase, il n'y avait rien d'autre qu'une immensité noire ou la physique ne signifiait plus rien, et ou les lois de notre univers ne fonctionnaient plus. Si la bulle de phase était désactivée, la flotte serait instantanément broyée sous l'impact des forces de marées qui émanaient de l'astre. Mais sur le pont, tout le monde ne semblait pas inquiété par cette perspective. A l'intérieur du Rhine, le Phaseur quantique ronronnait paisiblement. La flotte était en sécurité.

Debout derrière son timonier, la main sur le dossier de son siège, Ori'n observait les escadres de la flotte en formation autour du Cuirassé. A sa droite, Jonathan donnait ses ordres pour que le Cuirassé soit maintenu en état d'alerte maximale. A gauche du timonier, le co-pilote faisait sa checklist et derrière eux, les officiers com, électronique, boucliers et artilleries, recevaient les rapports de statut des différents ponts du cuirassé.

[Adm. Ori'n Corde] Capitaine, contactez le Pont d'envol, je veux les escadrons Iron et Silver en patrouille de combat au sein de la flotte dans cinq minutes. Officier Com, ouvrez un canal vers tout les appareils de la flotte.

L'officier de communication hocha la tête. Entre ses mains, il fit circuler plusieurs fenêtres sur l'écran de sa tablette, pressa deux ou trois commandes puis rétorqua :

[Off. Comm.] Canal ouvert. Vous pouvez vous adresser aux capitaines de la flotte depuis la salle de conférence.

Ori'n hocha la tête avant de se retourner et de s'engager dans le corridor qui conduisait du poste de pilotage au pont de commandement principal. En partant, elle lança par-dessus son épaule.

[Adm. Ori'n Corde] Capitaine, je vous laisse le commandement du Rhine et des choses ici. Vous agissez en tant qu'Amiral suppléant. Laissez la flotte en standby et assurez-vous qu'aucun appareil Xenos ne nous a suivit. Et dès que vous avez confirmation, ramenez le niveau d'alerte à Defcon 3.
[Cpt. Jonathan Corde] Trois ? Putain ... Ca fait trois siècle qu'on était pas descendu sous Defcon 2. Littéralement. Jamais j'aurai cru entendre ça de mon vivant.
[Timonier] Bientôt le cinq vous croyez ?
[Adm. Ori'n Corde] Bientôt. C'est promis, répondit l'Amirale par dessus son épaule en disparaissant dans le couloir.

En fait de couloir, il s'agissait surtout d'une extension du PC combat. De part et d'autre de la passerelle, en contrebas, les capitaines des différents ponts de tir étaient en position dans leurs sièges, coordonnant leurs équipes dans les ponts inférieurs. Après l'annonce du Capitaine, dans les hauts parleurs, ils transmettaient maintenant les uns après les autres, les ordres de réduction des effectifs et d'organisation des tours de garde. Un peu partout, Ori'n observait un certain flottement, et ce sentiment s'accru lorsqu'elle pénétra dans le PC combat. Autour de la grande carte holographique qui représentait actuellement la situation de la flotte autour du Rhine, beaucoup d'hommes et de femmes, déchargés par leurs missions dans le cadre de Defcon 3, restaient simplement là, sans rien faire. Il faut dire que personne n'avait l'habitude. Habituellement, les hommes quittaient leur poste pour aller directement se coucher, dormaient six heures, et revenaient à leurs postes de combat, ou d'alerte, et enchainaient les journées de dix huit heures les unes après les autres. Voilà qu'on venait de leur donner dix heures à ne rien faire dans une journée. Ils étaient perdus les pauvres.

Ori'n coupa à travers le PC, adressant simplement un signe de tête à certains officiers. Elle s'arrêta devant la porte du sas de décompression et attendit que les détecteurs intégrés confirme son identité et son niveau d'accréditation. La puce de commande implantée sous son épiderme, dans son poignet comprenait toutes les identifications nécessaires. La porte s'ouvrit, Ori'n pénétra dans le sas, et instantanément, les deux marines en exo-armure qui montaient la garde dans le sas lui adressèrent le salut militaire fédéral. Elle le leur rendit, puis attendit que la première porte du sas se referme, les cinq secondes réglementaires, et l'ouverture de la seconde porte du sas. En la franchissant elle lança aux deux soldats :

[Adm. Ori'n Corde] Le capitaine a dit "Defcon 3" non ? Ca veut dire que l'un d'entre vous peut aller se coucher, et l'autre troquer son armure contre un M7. Vous le savez ça messieurs, n'est-ce pas ?
[Marine] Oui madame. Tout de suite madame.

Ori'n disparut dans le corridor derrière pour bifurquer directement sur la droite. Elle franchit un second sas et pénétra bientôt dans la vaste rotonde de la salle de conférence ou se réunissait d'habitude les capitaines du Conseil de l'Amirauté. Les deux techniciens sur place lui adressèrent un salut rapide et l'un d'eux lança :

[Technicien] Le canal est ouvert madame. Les capitaines de la flotte attendent votre communication.

Ori'n hocha simplement la tête, se positionna devant les capteurs holographiques et lança sa communication.

[Adm. Ori'n Corde] A toute la flotte, ici l'Amirale Corde. Je tiens à vous féliciter pour cette opération messieurs. Tout s'est bien passé, nos pertes en vaisseaux sont nulles, et à priori les Xenos de l'autre côté du Trou Noir ne nous ont pas suivi ici. Le phaseur quantique fonctionne normalement, et la flotte va donc rester de ce côté-ci de l'horizon des évènements jusqu'à ce que nous ayons clairement établit notre ligne de conduite dans cette galaxie. A ce titre, je crois qu'il est temps que vous en sachiez tous un peu plus sur les objectifs de la mission solstice, c'est pourquoi je vous convoque présentement pour une assemblée extraordinaire du conseil de l'Amirauté. A présent, nous devons en effet considérer notre flotte comme une force indépendante de la flotte nomade, par la force des choses. Je sais que pour un certain nombre d'entre vous ce sera votre première réunion. Mais vous verrez, tout se passera bien. Vous êtes donc tous convoqués à bord du Rhine dans deux heures. L'ordre du jour sera un mot de l'amiral en premier temps, puis la définition d'une ligne de conduite générale dans cette nouvelle galaxie.

J'ai transmis au Capitaine Corde l'ordre de faire passer toute la flotte en Defcon 3. Donnez à vos hommes le repos qu'ils méritent. Si nos informations sont exactes, on ne risque plus de rencontrer de Xenos avant très longtemps. Confirmez également que vos vaisseaux sont en état de combat, et que leurs checklist sont clear. Corde terminé.

Ori'n coupa le canal. Les officiers com se chargerait de faire la checklist. Elle avait deux heures devant elle pour prendre une douche, manger un morceau, et s'occuper un peu d'elle. Un truc qu'elle n'avait pas fait depuis six mois. Mais l'opération Solstice, son opération, était maintenant sur des rails solides. Et ça, c'était très satisfaisant pour elle.

[hrp]La suite se ferra sur Discord.[/hrp]

Les discussions se poursuivirent donc à bord du Rhine, et furent de relativement courte durée. Dans l'ensemble, la ligne de conduite proposée par l'Amirale fut approuvée par l'essentiel du parlement, même si un certain nombre de divisions pointèrent déjà le bout de leur nez. Un arbitrage bref et clair d'Ori'n fut nécessaire pour maintenir les débats sur les rails. Mais au terme de la réunion, l'Amirale avait ses consignes : trouver un système susceptible d'abriter des ressources en quantité suffisante pour que la flotte puisse se ravitailler, puis mettre le cap sur ce système et l'utiliser comme base d'opération principale le temps d'explorer cette constellation. Des objectifs relativement simples donc.

Alors que les différents capitaines se levaient et s'apprêtaient à rejoindre leur bord pour se préparer pour le transfert Benevides qui amènerait la flotte à quitter le champ d'influence du trou noir et donc, à franchir l'horizon des évènements, Ori'n leva la main pour attirer l'attention de plusieurs personnes dans la salle.

[Adm. Ori'n Corde] Capitaines Lewis, McFergus, Seillère et Saratini, vous restez à mon bord pour le transfert Benevides. Avertissez vos seconds et officiers de pont qu'ils coordonneront eux-mêmes la manœuvre de vos bâtiments. Je vous attends dans mon bureau dans cinq minutes pour un briefing.

Ori'n quitta ensuite rapidement la salle de conférence, et fit un bref passage sur le pont, pour s'assurer auprès de Jonathan que l'ensemble des dispositions nécessaires avaient été prises pour le transfert Benevides. Elle lui donna le feu vert pour la manœuvre et le capitaine commença donc à coordonner l'action des différents personnels du CIC. L'officier com était déjà en train d'égrainer les communications avec les différents chefs de bord pour s'assurer que les lignes de coordonnées avaient été bien reçues. La manœuvre demandait habituellement une triple vérification, pour s'assurer que le mouvement de toute la flotte serait uniforme. En effet, si un seul appareil sautait une milliseconde trop tard, ou trop tôt, ou dérivait de sa trajectoire d'un quart de millième de nanoseconde d'arc, il finirait pulvériser par les forces de marée du trou noir. Habituellement, l'ensemble de la flotte se calquait donc sur le protocole de saut du supercalculateur du cuirassé, les protocoles de saut des autres supercalculateurs de la flotte devenant esclaves de celui du Rhine. La dernière fois qu'un Benevides Transfert avait dû être fait au cœur d'un trou noir, Corde avait transféré le contrôle de la quasi-totalité des sous-systèmes du Rhine au HHS Loki du capitaine Xinyi, pour s'assurer que toute la puissance de calcul du cuirassé serait orienté sur sa mission : mettre tout le monde en sécurité. Une fois encore, pour la deuxième et dernière fois, c'est ce qu'on ferait cette fois-ci.

[Cpt. Jonathan Corde] Capitaine Corde à toute la flotte. Votre attention messieurs-dames, le Benevides Transfert commencera dans vingt minutes. Rappelez tout vos appareils en Combat Air Patrol et mettez un terme à tout les amarrages de vaisseau en cours. Signalez également à vos équipage le début de la procédure. Je rappelle que tout vaisseau non connecté à un appareil de la flotte risque d'être laisser sur place s'il ne se trouve pas dans la bulle warp au moment de la manœuvre. Et comme vous le savez, c'est un aller simple. On ne reviendra pas dans ce trou noir.

Etant certaine que les choses serait bien gérée, elle rejoignit un turbo lift qui la propulsa dans les entrailles du vaisseau jusqu'au pont d'habitation ou se trouvaient ses appartements, et donc son bureau. Là, elle activa la plateforme holographique au centre de la table, qui projeta une carte en trois dimensions des environs. C'était très ... noir ... tout ça. Elle ouvrit également quatre fichiers qu'elle projeta à côté de la carte : les quatre missions qu'elle avait fait préparer par son aide de camp.

La première réunion du conseil de l’amirauté était enfin terminée, elle avait été courte, mais avait permis d’apprendre les raisons de leur voyage à travers ce trou noir. À vrai dire, il s’agissait d’une excellente nouvelle, s’ils n’avaient pas droit à l’erreur, on leur offrait tout de même la chance de pouvoir créer un futur et pas seulement de combattre jusqu’à la mort. Si l’amirale avait réussi à garder les discussions sur les rails dans l’ensemble, on pouvait déjà voir des divergences d’opinions, mais ce n’était pas le moment de se préoccuper de cela, ils tous dans la même galère et il n’y avait qu’ensemble qu’ils pouvaient espérer en sortir.


Quoi qu’il en soit, alors que Silvia s’apprêtait à retourner à bord du Marignan pour le Benevides Transfert, l’amirale lui ordonna, à elle et trois autres capitaines, de rester sur Rhine et de la rejoindre dans son bureau dans 5 min. Silvia salua l’Amirale afin d’indiquer qu’il serait fait selon ses ordres et elle contacta aussitôt le Marignan afin d’informer son second et ses officiers de pont qu’ils auront à coordonner eux-mêmes les manœuvres nécessaires pour effectuer le saut avec le reste de la flotte.


Ceci fait, Silvia prit le chemin du bureau de l’Amirale et une fois arrivé, la salua avec respect et attendait ensuite le début du briefing sans rien ajouter, observant d’un œil la carte en trois dimensions qui était projeté.

Le Capitaine Ernest-Antoine Seillière était pensif, lorsque l'Amirale mit fin au Conseil de l'Amirauté. Regardant à droite ou à gauche, on pouvait sentir que les officiers se jaugeaient, chacun essayant de déterminer les affiliations et les sensibilités politiques de chacun, cherchant qui seraient ses potentiels alliés et quels seraient ses rivaux et opposants.

Le "Baron" Seillière, titre ancien ayant un lien avec une antique religion latine, sentait des divergences, des tensions peut être, mais la flotte semblait unie dans son désir de survie. Cette trêve politique, idéologique, durerait-elle ? Il l'ignorait. Mais il se doutait que la nature humaine reprendrait tôt ou tard le dessus et chacun et chacune devra faire des choix. Pour l'heure actuelle, les intérêts personnels et les intérêts de la flotte se confondent, mais Seillière commençait déjà à penser l'après survie et aux combats idéologiques qui ne manqueraient pas d'apparaître.

D'un signe de tête, le Capitaine de l'Ardenne informa l'Amirale qu'il avait prit note de son ordre. Avec patience, il attendit que les non-appelés sortent de la salle de conférence, puis il contacta son second et les deux frères de la Bath pour leur ordonner de coordonner eux-mêmes la manœuvre des bâtiments. Après leur confirmation, il se dirigea vers le bureau de l'Amirale et prit place sur un siège. De son arrogance naturelle, il toisa les autres Capitaines dans la salle.

Ori'n se tenait debout devant l'une des grandes baies vitrées de son bureau, qui donnait sur l'espace à l'extérieur. Elle attendit patiemment que chacun des officiers convoqués soient présents. Un bon quart d'heure fut nécessaire au dernier, qui se fit tout petit à l'entrée dans le bureau. Lorsque tout le monde fut enfin installé, Ori'n se retourna. A cet instant, le capitaine Corde lança le traditionnel "Alerte noire" dans les haut-parleurs, signalant le lancement d'un benevides transfert. Les baies vitrées derrière elles activèrent leurs volets blindés. Le vaisseau activait son propulseur Benevides. Et pour protéger tout l'équipage des conséquences visuelle d'une accélération au delà de la vitesse de la lumière : les lumières extérieures au vaisseau lui-même allaient tirer sur le bleu, puis devenir un blanc uniforme et aveuglant au moment ou la bulle warp atteindrait 1C, puis deviendrait simplement un immense océan de ... noir. Et dès le retour en espace normal, un nouveau flash blanc, puis une lumière qui reviendrait sur le bleu, avant de redevenir parfaitement normale. Autant dire que regarder par une baie vitrée à ce moment là, c'était à minima, s'assurer un vif inconfort face à de tels changements de luminosité. Ceci dit, moins d'une minute plus tard, les volets blindés se rouvrir, révélant ainsi un immense ciel étoilé, agrémenté d'une région en forme de bande ou les étoiles étaient bien plus denses. De l'autre côté du Trou noir, on appelait communément cette région "La Voie Lactée" en astronomie. Ici, il allait falloir lui trouver un autre nom. Ori'n se retourna pour contempler un instant le spectacle :

[Adm. Ori'n Corde] Les étoiles sont denses mais pas trop. On doit se trouver dans la bordure médiane de cette nouvelle galaxie, lança-t-elle, plus pour elle-même que pour son auditoire. Et pas de signe de supernovæ à l'horizon. Nous sommes donc dans une région stable de l'espace. Ca aussi c'est une bonne nouvelle, poursuivit-elle, cette fois-ci en direction des quatre capitaines assis devant elle.

Elle prit un instant pour sonder l'espace environnant. Le trou noir était derrière eux : on distinguait une partie de son disque d'accrétion, émettant une vive lumière dorée dans la partie inférieur de la fenêtre. Et au dessus d'eux, dans la partie supérieure, une bande de gaz bleu indiquait la présence d'une grande nébuleuse, qui devait probablement s'étendre à plusieurs dizaines d'années lumières de là sur une vaste région de l'espace. A cet instant, le capitaine Corde s'exprima dans les haut-parleurs :

[Cpt. Jonathan Corde] Benevides Transfert terminé. A tout l'équipage, fin de l'alerte noire. Le Capitaine et son équipage vous souhaitent la bienvenue dans la galaxie de Solstice. La température extérieure n'est pas estimable vue qu'il n'y a pas d'atmosphère autour de nous, et l'heure locale est inexistante vue qu'il n'y a pas de planète sous nos pieds. Le port d'une combinaison pressurisée est recommandé à tout les passagers qui souhaiteraient s'aventurer à l'extérieur. N'oubliez pas de vous équiper également d'un filin de sécurité, nous ne prévoyons pas d'équipes de récupération pour les hurluberlus qui ne respecteraient pas les consignes élémentaires de sécurité.

Ori'n esquissa un sourire et activa son communicateur personnel.

[Adm. Ori'n Corde] Jonathan, arrêtes tes conneries trente seconde, et passe la flotte en Defcon 2 s'il te plait.

Elle coupa la communication et revînt aux officiers assis bien sagement devant elle.

[Adm. Ori'n Corde] Bien. Comme vous le voyez derrière moi, l'espace autour de nous est stable. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour nous. Nous aurions put arriver en plein milieu d'une supernova ou d'une nébuleuse dense, ou encore dans une région soumise à des sursauts gamma réguliers ... Encore que nous n'ayons aucune confirmation quand à ce dernier point. C'est vos missions qui vont nous permettre d'en savoir plus. Quand aux deux premiers ... Et bien je crois que nous ne serions plus là pour en parler si c'était le cas ... Bref. Il est temps de commencer.

Elle pointa la carte sur le bureau :

[Adm. Ori'n Corde] Cette carte vous indique les coordonnées de saut que vous aurez à communiquer à vos escadres respectives. Pour vous, Capitaine Saratini, il s'agira simplement d'explorer le système d'Alpha Inanis. Pour les autres, votre mission est très simple : commencez par scanner les systèmes qui vous sont ici indiqués, ce qui devrait vous prendre un bon mois avec vos escadres respectives, puis rendez-vous sur place et procédez à l'analyse locale desdits systèmes. Nous cherchons principalement deux choses : une ceinture d'astéroïde riche en ressources minières, carbonées et précieuses, et une géante gazeuse riche en Hexanox, si possible dans le même système. Les lignes ici indiquées correspondent à vos itinéraires de vol initiaux, mais sachez que vous êtes mandatés pour une mission de un an dans ces systèmes. Si le système ne présente aucun intérêt, poursuivez votre course dans le suivant, et ainsi de suite. Si plusieurs voies se présentent à vous, faites moi un rapport circonstancié pour que nous envoyions une autre escadre poursuivre votre mission sur les itinéraires que vous ne pourrez pas explorer. Si vous avez besoin d'un tendeur au sein de votre escadre pour vous ravitailler pendant un an, c'est le moment de me le faire savoir. Si vous manquez de personnel au sol pour cette opération, c'est aussi le moment de me le faire savoir.

En ce qui a trait à la ligne de conduite en cas de premier contact avec une civilisation alien, jusqu'à ce qu'un contre-ordre soit donné, le protocole d'exploration fédéral s'applique ici, et les directives premières et secondes sont donc à suivre à la lettre. Ceci dit, l'expérience de la Voie Lactée me pousse à penser que nous ne rencontrerons pas tant d'aliens que ça. La vie semble abondante dans l'univers. Mais pas la vie intelligente. Toutefois, nous aurions bien tort de généraliser à partir du seul exemple de la Voie Lactée.

Enfin, vous avez bien plus de chances de rencontrer d'autres réfugiés au cours de votre mission. Et probablement des réfugiés ayant déjà organisé des colonies. Le Phaseur Quantique est une technologie développée par le Professeur Benford depuis plus de vingt ans, et avant d'en faire don à la flotte nomade, il a distribué sa machine à tort et à travers, a à peu prêt tout le monde et surtout n'importe qui capable de lui fournir les pièces nécessaires pour en fabriquer plus. Autrement dit, cela fait vingt ans que des gugusses mal préparés et sans entraînement franchissent ce trou noir. Attendez-vous à rencontrer du monde. Du monde qui aura besoin d'aide, et dans ce cas vos consignes sont d'apporter toute l'aide nécessaire, sans promettre une intégration à la flotte nomade, car nos moyens sont très limités. Mais aussi, très probablement, du monde qui cherchera à prendre ce dont il a besoin. Vous avez donc le feu vert pour riposter à toute attaque humaine clairement identifiée comme telle. En cas d'attaque Xenos ou alien, sait-on jamais, cela peut arriver, vos ordres sont de récolter autant d'informations que possible en évitant le combat et de battre en retraite avant qu'un engagement ne devienne inévitable.

Y'a-t-il des questions ou des points de cet exposé qui méritent un éclaircissement messieurs ?

Ori'n garda son exaspération pour elle. Elle répondit sur un ton égal :

[Adm. Ori'n Corde] Ma mère m'avait mise en garde contre les tendances un peu radicale de votre clan McFergus. Nous allons donc clarifier un point. Tant qu'on ne vous tire pas dessus, vous ne tirez pas. En clair, vous n'engagez jamais les hostilités en premier. Jusqu'à preuve du contraire, la Fédération est une démocratie. Et en démocratie, le peuple est souverain. Ce qui signifie que le seul corps politique habilité à déclarer ou constater la guerre est le peuple. Et le peuple lui seul. Nous sommes ici dans une situation de flou juridique au sein de la flotte, qui appellera une réponse politique en temps voulu, mais qui ne nous concerne pas dans l'immédiat. L'Amirauté tient sa légitimité de la Fédération. Et l'Amirauté n'est techniquement juridiquement habilité que pour mener la guerre contre les Xenos. La Constitution, et le Parlement, qui n'existe plus, est sensé prendre le pas sur les questions de politique étrangère. Et même si la Constitution est suspendue pour l'heure, je me dois de vous rappeler le serment que vous avez juré lorsque vous avez prit votre commandement :

"Je jure solennellement de dévouer ma vie et mes capacités à la défense des Républiques Terriennes Unies de la Voie Lactée, de défendre la Constitution des humains, et de protéger les Droits Universels de toute vie consciente, depuis les profondeurs du Pacifique, jusqu'aux frontières de l'Espace connu, pour aussi longtemps que je vivrais."

Ce n'est pas juste du protocole capitaine. Ces mots ont un sens. Et c'est pour mieux la défendre que nous avons suspendu la Constitution, pas pour faire ce que nous voulons, quand nous voulons, comme nous voulons. Vous devez votre place et votre vie aux quatorze millions d'individus de cette flotte. Vous ne les placerez pas dans une situation inconnue ou potentiellement dangereuse.

A chaque fois que vous hésiterez sur la marche à suivre Capitaine, rappelez-vous de ce serment, de chacun de ses mots. Et vous aurez la réponse à toutes vos questions.

Le Capitaine Seillière retint de justesse un petit sourire pervers et satisfait lorsque l'Amirale imposa, à l'homme aux allures rustres, un cours sur la légalité et les directives de la Flotte. Néanmoins, le Baron fut satisfait que l'Amirale n'oublie pas qu'elle détenait son pouvoir par procuration, au nom de la Fédération et que tôt ou tard, la démocratie devrait être restauré. Malheureusement, il arrive que parfois les tyrans le deviennent en pensant faire les choses biens, avec de bonnes intentions, mais la résultante est toujours là.

Le contrôle de l'armée sur le semblant d'économie est, même aux yeux d'un libéral convaincu, une nécessité vitale. Mais lorsque la situation se sera stabilisé, si elle l'est un jour, le Baron Seillière fera tout ce qui est en son pouvoir pour que l'état, et l'armée, reste le plus loin possible de l'économie et des entreprises.

C'est d'ailleurs en pensant aux vaisseaux usines que le Capitaine se fit une réflexion qui lui sembla pertinent de partager.

Cpt. Ernest-Antoine Seillière : Après réflexion, je pense qu'il est nécessaire de porter la lumière sur des points d'ombres de notre mission. Compte tenu de l'état de nos stocks, que ce soit en munitions comme en ressources, il est évidement que la flotte ne peut se permettre d'accueillir tous les réfugiés dans cette galaxie. Néanmoins, je souhaiterais des indications plus précises quand aux profils de flotte qui pourraient nous intéresser. Pensez-vous qu'il serait pertinent que nous guidons des réfugiés détenant des vaisseaux usines ou des drones miniers ? Il me semble qu'il s'agit de matériaux précieux, indispensable, qui justifieraient peut-être que nous les guidions jusqu'à vous en prévision d'une intégration, Amirale ?

L'Amirale hocha la tête en signe d'assentiment. On en venait aux vrais problèmes :

[Adm. Ori'n Corde] Cela devra être étudié au cas par cas. Dans le cas ou des réfugiés transporteraient effectivement de l'équipement utile à la flotte, il est possible qu'on envisage qu'ils y paient leur ticket d'entrée en nous remettant ce matériel. Mais il vous faudra toujours étudier la chose au cas par cas. Veillez à leur rappeler qu'ils sont des ressortissants de la Fédération, et donc qu'ils peuvent, de plein droit, réclamer la protection de la flotte. Si ce sentiment de sécurité ne suffit pas à acheter ce matériel, et bien tant pis. Vous êtes des officiers militaires. Pas des voleurs ou des pirates. Votre devoir est de protéger ces gens. Pas de les voler. Si ces réfugiés n'ont aucune volonté de rejoindre la flotte, vous ne pouvez pas les y forcer. Et encore moins leur prendre leur propriété. Dusses-t-elle être mal acquise. Considérant que vous n'avez aucun moyen d'enquêter sur la manière dont ils se sont procuré leurs biens, vous n'avez aucun moyen de les leur confisquer au regard de la loi. La présomption d'innocence a court ici. Quand aux réquisitions militaires, tant que nous n'aurons clairement pas identifier de vaisseau Xenos dans cette galaxie, elles n'ont pas lieu d'être. Peu importe la difficulté de notre situation, d'autres seront dans une situation tout aussi difficile. Vous ne pouvez considérer votre situation comme plus importante que la leur.

D'ailleurs, en temps que soldats, nous avons le devoir d'assurer la protection de n'importe quel citoyen de la Fédération qui la demanderait. Dans ce cas, vous ne pourrez pas faire autrement que la leur donner. Evitez de le hurler sur tout les toits, histoire que nous gardions les choses sous contrôle. Mais si d'aventure un citoyen connait ses droits et demande cette protection, faites votre travail. Ceci dit, ne les conduisez à la flotte qu'en cas d'extrême urgence, ou si vous estimez effectivement que ces personnes pourraient être utiles. Sinon, trouvez des solutions palliatives à chaque fois que c'est possible.

Le briefing terminé, Silvia était pensive, elle, ainsi que son escadre allaient être parmi les premiers de la flotte à explorer cette nouvelle galaxie, néanmoins, cela lui donnait une étrange sensation, bien différente de ce qu’elle avait éprouvé en affrontant les Xénos, car au moins fasse à eux vous saviez plus ou moins à quoi vous attendre, même si ce n’était pas plaisant, alors qu’ici ils allaient voyager dans l’inconnue. Mais quelle était cette sensation ? Était-ce de l’inquiétude fasse à ce qu’ils risquaient de rencontrer ? De la peur quant à l’avenir de la flotte ? Non, à vrai dire cela ressemblait à de l’espoir, une chose qu’elle ne se souvenait pas d’avoir vécue, car depuis sa naissance elle n’avait assisté qu’à l’effondrement lent, mais inexorable de la Fédération, ainsi que la mort d’une quantité innombrable d’individus, toutes races confondues, alors se dire que désormais tout cela était peut-être enfin fini, qu’ils allaient pouvoir se reconstruire, était très étrange, mais appréciable et motivant. Silvia savait déjà tout cela, ça avait été transmis durant le conseil de l’amirauté, mais jusqu’ici cela n’avait été que comme une simple information transmise à son cerveau, alors désormais que l’amirale lui confiait l’une des missions d’exploration de cette nouvelle galaxie, elle prenait enfin pleinement confiance de ce que tout cela impliquait. Entendre l’amirale réciter le serment qu’elle avait… qu’ils avaient tous fait lors de leur prise de commandement, ne faisait que renforcer la détermination de Silvia.

Cependant, malgré cet état d’esprit Silvia ne perdait pas de vue ses responsabilités et se devait donc de ne pas se laisser emporter par ses émotions et rester alerte. Elle était prête à commencer sa mission sans plus attendre, mais la question du Cpt. Seillière et la réponse de l’amirale en amenait une nouvelle de la part de Silvia, elle se redressa donc et demanda :

[Cpt. Silvia Lewis] « Mon Amirale, en cas de rencontre avec des réfugiés qui auraient besoin de notre assistance immédiate, malgré que cela soit nôtre devoir, devons-nous agir pour les aider, même si cela venait à mettre nos escadres en danger et donc possiblement mettre en péril notre mission ? »

La réponse fut aussi courte qu'elle intervint rapidement :

[Adm. Ori'n Corde] Oui. Vous ne devriez même pas vous poser la question. Votre devoir passe avant votre mission.

Le Baron Seillière n'en avait pas besoin de plus. Les ordres étaient simples, la mission aussi. La principale difficulté serait de faire comprendre aux réfugiés qu'il ne pourrait pas les mener à la flotte principale. Leur donner un coup de main, pourquoi pas, peut être un peu de carburant ou des provisions, mais aucunes promesses, aucuns engagements officiels au nom de la Flotte et de l'Amirale. Et ce, qu'importe ses états d'âmes ou ses convictions. Assurer le plus grand bien de la Flotte aura un coût, et pas des moindre, sur la morale et l'âme.

Cpt. Ernest-Antoine Seillière : En ce qui me concerne, je n'ai plus qu'une question, Amirale : quand partons-nous ?

Janvier 4301

Ori'n Corde, Silvia Lewis, McFergus, Seillière, et Saratini gagnent un point d'expérience.