Contacts diplomatiques [Privé Nova]

Se faire des amis assure la survie

Il s'était passé une bonne semaine depuis la bataille de Chi Inanis. Le Stepanakert flottait maintenant à quelques centaines de milliers de kilomètres de la naine rouge, et cette dernière offrait une vue magnifique parmi les quelques baies vitrées des quartiers d'équipage du croiseur. A sa surface, on distinguait les remous du plasma, et de temps à autre, une gigantesque langue d’énergie brute s'élevait dans les cieux, projetant ses faisceaux de particules à travers le néant. Lorsque le Stepanakert était sur le chemin de ces dernières, il activait simplement ses boucliers magnétiques, couvrant le vaisseau et l'équipage de dommages ultérieurs. Bien sûr ils étaient soufflés par les particules, mais ces derniers étaient largement assez puissants pour encaisser une éruption solaire.

Ori'n se trouvait sur le pont d'observation du Stepanakert. Elle observait l'étoile. Cette passerelle, ouverte sur l'espace, comprenait de nombreuses baies vitrées et fenêtres qui permettait de profiter de l'immensité du cosmos et invitait à l'introspection. Si elle disposait de plusieurs postes de contrôle et stations de pilotage pour manoeuvrer le croiseur, il ne s'agissait toutefois pas d'un pont de combat. Les vaisseaux fédéraux comptaient en effet deux ponts : celui-ci, qui servait pour le vol classique, l'observation et les rencontres entre officiels de la flotte, et le pont de combat, situé au cœur de l'appareil, entouré d'une solide coque blindée, et ne disposant d'aucunes fenêtres, mais de nombreux moniteurs connectés aux capteurs et caméras installées tout autour du vaisseau. De la sorte, réussir un tir critique qui atteigne l'équipage aux commandes du vaisseau relevait du petit miracle. Le pont de combat disposait même d'un système de survie autonome, indépendant du réseau principal, ce qui permettait de garder le contrôle de l'appareil en cas d'abordage, mais aussi à l'équipage de survivre assez longtemps même dans une épave ...

Ori'n, accompagnée de Tusk, attendait incessamment sous peu l'approche des navettes de la Nouvelle Rome, afin d'entamer avec eux les discussions relatives aux futures relations entre les deux états.

Ca commence mal

Ori'n fronça les sourcils. Ça commençait très très mal. Si elle avait travaillé des années durant pour le compte de l'UEF. Et si cette dernière était sa famille, il fallait avouer qu'elle ne la portait pas le moins du monde dans son cœur. La Fédération avait échoué. Probablement parce qu'elle était trop grande, trop lourde, et trop imbue d'elle-même de ses valeurs et de ses prérogatives. Elle n'avait eut qu'à écouter les rapports de Tusk sur l'attitude du Commodore Panaikos pendant la bataille pour savoir que non, elle ne partageait pas vraiment les valeurs de ces gens. Et elle n'avait pas spécialement envie de voir naître une superpuissance comme la FTU dans cette galaxie. Restait à le faire comprendre à son interlocuteur sans le froisser ...

[Adm. O. Corde] Tout de suite, cela fait une sacré liste de propositions. Un accord commercial supposerait qu'il y ai quelque chose à échanger. Une alliance militaire supposerait que nous partagions une vision semblable de la guerre. Et les instructions qu'ont donné vos officiers dans la bataille qui s'est déroulé il y a quelques jours me laissent fortement supposer que ce n'est pas le cas.

Quand à la complémentarité ... Elle suppose que j'ai suffisamment confiance en vous pour l'accepter. Ce n'est pas le cas. Nous nous sommes battus ensemble. C'est vrai. Mais vous avez pris une décision qui mettait en péril ma propre vie quand il existait une solution annexe, non violente, qui aurait permit à tout le monde de s'en sortir sans la moindre encombre. Vous avez pris des risques inconsidérés, et je ne suis pas prête à mettre les vies des gens placés sous ma protection, et qui ont confiance en moi, dans une alliance de ce type. La mission d'un soldat est de protéger les siens. Je protège les miens.

De surcroît, vous semblez avoir une opinion déjà bien arrêtée de la nature d'un tel régime. Et laissez moi vous dire que je ne crois ni au parlementarisme, ni à la démocratie. Et que ni l'un ni l'autre, ne seront jamais aussi efficaces dans la gestion des affaires urgentes qui nous occupent à présent que l'efficacité toute militaire d'une hiérarchie respectée.

Ori'n marqua une pause pour laisser à son interlocuteur le temps de digérer son refus. Elle fit le tour de la grande table installée sur le pont du Stepanakert, puis s'arrêta face aux grandes baies vitrées, contemplant les remous du plasma sur la petite Naine rouge.

[Adm. O. Corde] Comprenez moi bien. Si je refuse un accord commercial, militaire ou politique, c'est pour des raisons politiques. Cela ne signifie pas que je récuse toute coopération. Uniquement que celle que vous me proposez ne correspond pas à la situation actuelle de la Flotte de Derylion, et qu'elle ne m'apporterait strictement rien.

En revanche, nous pouvons tout à fait discuter de la manière dont nous organiserons les reconnaissances dans les systèmes de la région. Le partage des résultats de nos scans est tout à fait acceptable, et leur échange semble un partenariat réaliste, auquel je suis heureuse de consentir.

Common grounds ?

Ori'n hocha la tête. Le consul redevenait raisonnable. Au moins ne s'élançait-il plus dans des discours enflammés sur la Fédération. On parlait concret, réel, et Ori'n l'appréciait. Elle observait toujours les événements avec pragmatisme, et un sens extrêmement terre à terre. Un problème à la fois. Une solution à la fois. En l'état, ils avaient tous besoin d'un foyer. Discuter de la manière de l'établir semblait donc un point de départ sur lequel un accord ultérieur pourrait être trouvé.

[Adm. O. Corde] Le partage de données cartographiques semble effectivement quelque chose de tout à fait envisageable. Ma flotte devrait se regrouper d'ici l'année prochaine dans le système de Tau Inanis, ou nous évalueront les possibilités d'explorations dans la région. Si vous partez pour Sigma et Upsilon, nous partirons pour Phi, et Gamma. Considérons la possibilité d'une nouvelle entrevue, en Tau Inanis, dans le courant de l'année 4 303 afin de partager nos découvertes et d'actualiser nos cartes.

Si l'un d'entre parvient à trouver un monde habitable pour son peuple, il a la pleine et entière primauté sur ce dernier, et peut s'y établir sans en informer l'autre. L'urgence de nos situations respectives ne nous permet pas d'être douillet. Si nous en trouvons un second, accordons-nous néanmoins pour partager cette information, afin que ce partenariat soit mutuellement profitable.

Avons-nous un accord ici ?

Common grounds ?

Ori'n tiqua une nouvelle fois. L'accord, tel qu'il était proposé, n'était clairement pas acceptable. Elle prit donc sur elle de reformuler.

[Adm. O. Corde] Un accord de non agression éternelle n'est tout simplement pas envisageable, et pas réaliste. Je peux parler pour moi-même maintenant, au jours d'aujourd'hui. Mais pas pour mon successeur, ni même pour moi-même d'ici une vingtaine ou une trentaine d'année. Et vous non plus. Qui sait à quoi ressemblera cette galaxie à ce moment là, qui sait quelle seront nos besoins, nos intérêts, et nos prises de positions ultérieures quand aux développements politiques de cette galaxie. En conséquence, je me permet de reformuler les termes du-dit accord :
- Nous convenons d'une coopération politique et militaire pour ce qui est de la reconnaissance des systèmes de la région. Nous échangerons les informations que nous trouverons sur d’éventuels mondes colonisables, mais nous conserverons l'exclusivité sur les mondes que nous découvrons l'un comme l'autre. Une fois notre colonie installée, les autres mondes éventuellement découverts sont tout à fait libres à la colonisation.
- Nous convenons d'un accord de non-agression pour une durée de cinq ans, qui pourra être prolongé le cas échéant si la coopération s'avère fructueuse.
- Nous convenons d'un accord de non-divulgation quand à toute donnée en notre possession sur notre partenaire, qu'elle soit politique, militaire, géographique, économique ou scientifique. Cet accord de non-divulgation couvre toute donnée rémunérée ou non.
- Nous nous retrouverons donc en 4303 en Tau Inanis pour partager nos découvertes, et en 4305 dans un système qui sera décidé lors de notre prochaine rencontre pour renégocier et éventuellement prolonger notre coopération.
- Le présent accord sera effectif dès que nous serons réunis avec nos forces respectives et qu'elles seront donc informées de ses dispositions.
- Le non respect du présent accord entraînera la rupture immédiate de l'ensemble des dispositions afférentes à ce dernier, et la fin de toute les coopérations en cours et à venir entre nos deux forces.